DEVOURING LINES CONTINUUM
2022-2024
Stoneware ceramics, petroleum-like glaze 
Oxidation firing, 1220°, mostly fired in the studio kiln, in Brussels 
Variable sizes (+- 50 cm) and compositions

Photo : Théo Desmaizières, Noé Znidarsic, Tim Evers, Dieter Van Caneghem





FR :


La figure du chien est omniprésente dans les Devouring Lines, qui sont des ensembles de sculptures se greffant dans les espaces dans lesquels elles sont présentées, viennent tracer des lignes, qui du sol au plafond, élaborent une filature éreintante : Manger ou être mangé. 

Ces sculptures en céramique s’apparentent à des scènes de dévoration. Manger l’autre, le digérer, et finalement peut-être l’incorporer. Une mue de chien enveloppe ce qui préfigure un museau, lui même se dissolvant, parfois mordant une main, elle aussi tantôt mâchoire, tantôt support, entremêlant chien et louve, humains ou coquillages sans hiérarchie aucune. Une façon aussi de penser la vie « comme une circulation, comme un don d’une communauté d’ancêtres, et la mort comme un recyclage, un flux qui se poursuit dans une communauté écologique et ancestrale d’origines. » 1

Peut être tout cela à la fois, comme des scénarios qui se contredisent et s’observent, se développent successivement dans l’espace; de loin, la perception d’une carcasse animale très étirée, déchirée, puis le détail de l’architecture étrange qui constitue ses entrailles, puis la créature qui l’a dévorée. Plus bas enfin, le même corps intact, recomposé, autrement, et dévoré à nouveau quelques silhouettes plus loin. Tous ces épisodes sont considérés comme un exemple d’association d’idées. C’est compris dans la syntaxe, c’est compris dans la chair. « Issu du mot grec metaplasmos, signifiant remodelage ou refonte. Métaplasme est un terme générique qui s’applique pratiquement à toute forme d’altération d’un mot, intentionnelle ou fortuite. J’emploie métaplasme au sens d’un remodelage du corps des humains et des chiens, d’une refonte des codes du vivant au cours de l’histoire des relations entre espèces compagnes. » 2 

Les lignes sont des trames narratives complexes qui se contredisent, déroulent des versions alternatives du même scénario. Elles digèrent, recrachent et recommencent l’incessant jeu de métamorphoses, dans le même mouvement insubordonné, où il semble qu’aucune relation de cause à effet régisse les liens entre les scènes représentées. 
Seule la symbiose compte, les corps ne dessinent pas les limites ontologiques de ce qui les anime, mais des enveloppes temporaires, entrevues comme des passages et invraisemblances qui façonnent cette figure archaïque mais familière de l’homme à la peau de louve. 



  1. PLUMWOOD, Val, Dans l’œil du crocodile, L’humanité comme proie (2012), traduit de l’anglais par Pierre Madelin, éd.Wildproject, 2021, p.47
  2. HARAWAY, Donna, Manifeste des Espèces compagnes, éd. Climats, coll. « Essais », traduction de l’anglais au français par Jérôme Hansen, 2010, p19