Le fond de l’air est lourd
Je me raconte des histoires ;

        L’assise d’un animal se confond dans une masse foncée, au verso, des bras ancrés au sol, desquels émerge une sorte d’ossement composite, contaminant désormais le flanc de la sculpture. Ces éléments se confondent au sein même de l’argile, sont ainsi affiliés et combinés sans hiérarchie aucune. De ces torsions suinte une huile visqueuse bleue, dégoulinante, semblant murmurer que la greffe continue d’opérer, intranquille.

Ma pratique essaie de penser dans un même geste la notion de fondation et d’effondrement. C’est bien au sein de ce passage continu, ce devenir ruine envisagé comme un terrain fertile, que réside mon intime conviction qu’à force de la travailler au corps, il s’agirait d’élaborer des versions alternatives, autant de possibles permis par la lente gestation de la céramique, du dessin.
Latents, paresseux, sous-jacents, tenter de rendre ces phénomènes demande d’oublier toute sorte de captation directe, d’instantané. Cette nécessité d’imaginer et rendre palpable un monde en transformations s’incarne par la chimère, qui devient un geste plastique autant qu’une trame narrative. Ainsi, organismes comme artefacts sont sans cesse ré-agencés selon divers scénarios, et les installations proposées prennent forme d’un espace liminal où les formes alentours nous sont autant familières qu’indociles.

    Ces récits spéculatifs se déclinent, souvent il s’agit de plusieurs versions de la même histoire, et ainsi façonnent des personnages comme des architectures, dans un collage de temps discontinus ; Où l’événement peut être réabsorbé et changé de place, où l’on porterait la peau de l’autre afin de mieux le sentir, changer de rôle, et re-façonner perpétuellement ce paysage étrange, énigmatique, décousu et pluriel.
Le chien se mord la queue, paroxysme de son corps vertébré, fini, imbriqué, la boucle est bouclée! Antique gardien, figure protectrice et fidèle, chien reste pourtant paisible ; Imperturbable, le Sphinx est trop claqué ces jours-ci, sa tête repose sur le sel chaud et suant, elle ne posera pas son énigme.
Je suis dans la double expérience du narrateur et de l’architecte du lieu : en cela, donner à voir un décor en effusion, mais aussi à chacun les clés d’une possible réécriture.












 


@barbaraleclercq