Le fond de l’air est lourd,
Je me raconte des histoires
L’assise d’un animal se confond dans une masse foncée, au verso, des bras ancrés au sol, desquels émerge une sorte d’ossement composite, contaminant désormais le flanc de la sculpture. Ces éléments se confondent au sein même de l’argile, sont ainsi affiliés et combinés sans hiérarchie aucune. De ces torsions suinte une huile visqueuse bleue, dégoulinante, semblant murmurer que la greffe continue d’opérer, intranquille.
J’arrive pas réellement à mettre le doigt dessus, puis ça s’agrippe tout du long, des bras et mains se soutiennent tout autant que s’attrapent, une architecture tend à se dessiner peu à peu dans ce mouvement.
Celui là même qui porte dans son élan une réflexion sur la ruine, envisagée alors comme le passage d’un état à un autre, sur un temps long qui mènerait finalement à la disparition. C’est bien dans les entrailles des ruines que s’insèrent des gestes minutieux, des réparations, des emprunts, des réemplois ; j’essaie de rendre ces glissements palpables, et même de les provoquer. Je m’intéresse aux usages et imaginaires à partir desquels des transformations sont opérantes sur l’architecture, sur les artefacts.
Latents, paresseux, sous-jacents, tenter de rendre ces phénomènes, ça demande d’oublier toute sorte de captation directe, d’instantané. C’est précisément à ce moment que le recours à la chimère devient nécessaire, et ce pour imaginer et rendre palpable un monde en transformations. La chimère devient un geste plastique, transgresse le discours pour imaginer des formes.
Le chien se mord la queue, paroxysme de son corps vertébré, fini, imbriqué, la boucle est bouclée! Antique gardien, figure protectrice et fidèle, chien reste pourtant paisible ; Imperturbable, le Sphinx est trop claqué ces jours-ci, elle ne posera pas son énigme.
Finalement, ma pratique essaie de penser dans un même geste la question des fondations dans le même temps que l’effondrement. Idée que la ruine est un terrain fertile, et qu’à force de la travailler au corps, il s’agirait d’élaborer des versions alternatives, autant de possibles permis par la lente gestation du dessin, de la céramique. L’architecture émergente me sert de trame narrative, me permettant de disposer à échelle humaine ces récits spéculatifs, qui semblent se fondre peu à peu dans le décor.
Etant donné que si l’on se frotte trop près aux coins des murs, des dents acérées retiennent les fibres de nos vêtements, de sortes de créatures autant incomplètes que familières.
Leur bave est corrosive, faudrait pas s’y frotter
Il en résulte un paysage étrange, énigmatique, décousu et pluriel. Je suis dans la double expérience du narrateur et de l’architecte du lieu : en cela, donner à voir un paysage en effusion, mais aussi à chacun les clés d’une possible réécriture.
@barbaraleclercq